... fait suite à : Les Prémisses de la Terreur ...
On passe alors au rêve de
Hiéronimus Bolgenstein. Nous sommes à la fin des années 80. Un physicien, qui a mal digéré un bad trip sous acide
lors de sa jeunesse, fait un rêve bizarre. Il rêve Killer. Killer, c'est un jeune mutant, poursuivi par la responsabilité
d'un meurtre collectif probable de milliers de personnes, pour n'avoir su contenir son pouvoir psy. Killer, c'est
maintenant une épave shootée à la toute dernière drogue extrême, celle dont on ne décroche pas, celle dont on ne
revient pas : Dragon Rouge. Killer, c'est l'Archétype de la Mort en Marche. Archétype ? Oui, car Killer est un enfant
de la Psychosphère... Imaginez : la Psychosphère est en train de se bouleverser, de se réorganiser. Des univers-îles
s'agglutinent, se séparent. Et un rêveur, à cause d'une remontée d'acide — drogue psychoactive, donc ayant des
effets sur la Psychosphère — se met à la frôler, à devenir le témoin d'un ballet de bribes d'univers. Et, comme
cela se passe dans les rêves, l'inconscient de Hiéronimus Bolgenstein va se mettre à se raconter une histoire. A lier
tous ces éléments qui n'avaient qu'un court rapport les uns avec les autres. Et il va se raconter, donc, l'histoire
de Killer, le mutant assassin.
Cette histoire, c'est celle
de son arrivée, à la gare du Nord, le 18 mai 2013. Un simple ex-junkie en provenance d'Amsterdam, la seule personne
ayant pu sortir semble-t-il impunément des griffes de la drogue Dragon Rouge. Son passé, c'est d'avoir, dans un accès
de rage, tué des milliers de personnes autour de lui, n'ayant pu supporter l'éclosion de ses pouvoirs psy, et le bruit
de tous ces gens qui parlaient dans sa tête. Le paysage est glauque, sale, rouge. Rouge du reflet de la Couche Maudite.
La Couche de Bolgenstein, celle qui a plongé le monde dans une teinte sanglante, pour palier à la disparition de la
couche d'ozone. Et Killer va chercher à comprendre. Comprendre pourquoi plusieurs souvenirs se superposent dans sa
mémoire. Comprendre pourquoi les gens savent et ne savent pas qui il est et ce qu'il a ou n'a pas fait. Comprendre
qui il est. Un à un, il perd ses amis, et celle qu'il aime, Nadja, dans cette folle fuite en avant, pourchassé par
une foule devenue une masse haineuse anti-mutants. Tout cela s'arrête le 23 mai 2013. Killer a compris. A compris qu'il
n'est qu'une pièce, qu'un pion lors d'une partie de go, entre les mains d'entités plus fortes que lui, et dont le but
n'est rien moins que la fin de l'humanité. Au premier plan de ces entités, Dragon Rouge, l'Archétype, lui-même dépendant
de l'Orque. L'Orque, une entité interstellaire qui parcourt l'univers à la recherche de planètes peuplables. Après en
avoir découvert une, l'Orque y développe la vie, et la pousse à évoluer technologiquement, jusqu'au moment nucléaire.
Pourquoi ? Parce que l'Orque se nourrit de præsidium, ce déchet de l'uranium une fois une combustion nucléaire effectuée,
et que le præsidium en question est plutôt rare à l'état natif dans l'univers... « J'ai songé avec un amusement teinté
d'amertume », pense Killer, « que je connaissais désormais la réponse à la question qui avait fait s'arracher les cheveux
à tant de philosophes et de théologiens. L'homme était sur Terre pour fournir une certaine quantité de præsidium à un
cétacé interstellaire. Ni plus, ni moins. » (La Mort marchait dans les rues) Maintenant que l'Orque n'a plus besoin des
hommes, il ne lui reste qu'à s'en débarrasser, et c'est pourquoi il a créé et utilisé Killer. Ainsi, ce 23 mai 2013,
Killer, rongé par son passé de junkie, affronte Dragon Rouge, avec toute la force de l'humanité, puisant au plus profond
de chaque être humain, pour, à travers lui, atteindre l'Orque. Et il l'atteint. Il terrasse la créature interstellaire,
terrasse Dragon Rouge. Mais ne s'est pas rendu compte avoir trop puisé dans l'humanité. Il est le dernier être vivant
sur la Terre. Rideau.
Vous pensez bien que Hiéronimus
Bolgenstein, se réveillant d'un tel cauchemar, une étrange impression en lui, n'aura qu'une idée : la retranscrire en
un long récit — qui forme le roman Les Derniers Jours de mai, hormis les quatre dernières pages —. Mais ce qu'il finit
par ne considérer que comme un simple rêve est bien plus. C'est comme si il y avait eu « une lame de fond dans un univers
d'abstraction. Et, soudain, un observateur, surgi de nulle part. Un observateur qui plaque ses idées sur les idées 'pures'
en mouvement devant lui. Avant, il n'y avait rien, rien d'identifiable. Après, il y a quelque chose. Quelque chose de
bien plus structurée que ce qui l'entoure, donc de plus directement perceptible. (...) La présence d'un observateur aurait
transformé les idées en images. Et ces images se seraient à leur tour mises à peser sur l'Inconscient Collectif. »
(Des Renards sous l'évier) Autrement dit, Hiéronimus Bolgenstein aurait initié une profonde mutation dans la Psychosphère
qui se faisait de plus en plus instable. Car là où Richard Montaigu et sa petite troupe n'avait que révélé Dragon Rouge
à lui-même, Hiéronimus Bolgenstein lui offre une possibilité de peser sur la réalité consensuelle, d'interagir avec elle...
Mais tout ceci ne pouvait tout
simplement pas en rester là. Un groupe d'Extra-Terrestres bleus (on peut se demander si ceux-ci ne seraient pas une autre
incarnation des Gardiens du Faisceau, puisque chez Carl Gustav Jung, dans son essai Un Mythe moderne, ces deux images
correspondent à la même fonction psychique, au même archétype) (il n'est ainsi pas étonnant de découvrir que l'un des ces
ETs bleus se nomme Jjung...), les Gardiens, donc, vont aller vers Killer pour lui proposer de rejoindre notre réalité
consensuelle, lui faisant croire qu'il s'agit là d'une ligne de probabilité proche, qu'il a la possibilité de sauver des
griffes de Dragon Rouge. Ainsi, alors que Hiéronimus Bolgenstein, hagard, se réveille suite à son étrange rêve, une
ombre se matérialise dans la chambre. Killer.
... la suite : Telepathic Trip Organization ...