Dans le cendrier posé au milieu de la table basse, une demi-douzaine de mégots au filtre de carton roulé émettaient l'odeur âcre caractéristique de la ganja froide. Outre l'herbe, la pièce sentait les chaussettes sales, les gaz intestinaux, la poussière et le renfermé. Une horreur pour un non-fumeur. Ramirez, lui, ne devait même pas se rendre compte de la présence de ce remugle ; il baignait dedans du matin au soir, et s'il lui arrivait de soupçonner quelque chose - ou d'avoir une pensée lucide -, il s'en refaisait un petit, histoire de passer le temps jusqu'au suivant.
Tous les gens qui s'intoxiquent ne sont pas des toxicomanes, mais Ramirez méritait incontestabement cette appellation. C'étaient les amphétamines avalées en doses trop importantes pour préparer sa licence de psycho qui lui avaient mis le pied à l'étrier; comme il ne parvenait plus à dormir, il s'était mis à gober des hypnotiques et à fumer du marocain. Il avait aussi pris du MDMA, comme la plupart des gens dans la vingtaine, et tâté de la cocaïne. Mais sa vie avait basculé lorsqu'il avait découvert le zamal, une herbe réunionnaise que les connaisseurs qualifient de psychédélique au plus haut degré. Il s'était mis à en fumer tous les jours, toute la journée, allumant le premier stick après son bol de café et éteignant le dernier au moment d'aller dormir.
Le zamal lui avait grillé quelque chose. La volonté, peut-être.
|