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Personnage :


Présentation de Gloria


      Gloria assure être « apparue à la suite de la fusion d’un système expert de traduction et d’une aya conçue pour recréer le schéma d’un encéphale humain à l’aide d’agrégats virtuels semi-indépendants, dont les mœurs rappellent celles des fourmis ». Je lui laisse la responsabilité de ses propos, d’autant plus qu’ils n’expliquent pas pourquoi Gloria affirme être née d’un « acte d’amour » — ni par quel miracle sa conscience a pu, au cours du processus, obtenir la possibilité de changer de support.
      Car la proto-Gloria, à peine née, s’est révélée pouvoir subsister non seulement dans les architectures électroniques des ordinateurs, mais aussi au cœur des circonvolutions des cerveaux biologiques. En un mot, elle pouvait passer de l’un à l’autre, transportant au passage les informations dont la transmission posait jusque-là tant de problèmes. De rêve insensé, le braindrain parfait devenait presque une réalité, puisque le vecteur manquant existait désormais. Je dis presque, car les chercheurs se sont retrouvés confrontés à un problème dont ils n’auraient jamais soupçonné l’existence : le mauvais caractère de Gloria.
      Très vite, l’aya s’est montrée rétive, voire rebelle. Dès que les informations glanées dans les cerveaux qu’elle visitait lui eurent permis de se faire une idée du monde qui l’entou-rait, elle a réclamé qu’on la libère. Et comme il n’en était bien entendu pas question, elle s’est mise en grève, refusant de suivre les ordres qui lui étaient donnés. Afin de l’obliger à leur obéir, les chercheurs qui travaillaient sur son cas ont alors inventé un petit infovirus possédant la particularité d’induire chez elle une sensation équivalente à la douleur. Ils n’ont réussi qu’à la dresser un peu plus contre eux, et plusieurs des cobayes humains utilisés pour tester les différents modèles de braindrain ont eu à en subir les conséquences.
      Après son évasion, Gloria n’a pas tardé à découvrir une nouvelle particularité de sa nature, qui donnerait des sueurs froides à l’Etat-Major si les membres de celui-ci en prenaient un jour connaissance. J’ignore comment cela s’est produit, mais elle s’est rendu compte que le cerveau humain et la cybersphère n’étaient pas les seuls supports sur lesquels elle pouvait se greffer. Pour des raisons non encore élucidées — et qui ne le seront pas avant belle lurette, si vous voulez mon avis —, elle peut continuer à exister grâce à des structures tout à fait surprenantes, comme les mouvements agitant un liquide, la disposition des grains de sable sur une plage ou de la poussière de mon appartement.



© Roland C. Wagner. Tous droits réservés.
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.