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Elément biographique :

Roland contre la psychosphère

par Valerio Evangelisti


 

          Toutes les qualités humaines que Roland C. Wagner met dans ses romans, il les possède dans la réalité. Comme son héros Temple Sacré de l'Aube Radieuse, il est gentil, ironique, généreux, ennemi de la colère et de la violence. La société où il fait vivre son personnage est celle où lui, l'auteur, se trouverait plus à l'aise. J'ai peu de doutes à ce propos.
          En ce sens, Roland est en quelque sorte l'héritier des hippies des années Soixante, dont il partage l'amour pour la musique et pour le rêve. Cette attitude philosophique inspire aussi son style d'écriture, clair, élégant, souvent subtil sous une apparence de simplicité, fluide sans jamais être banal.
          Mais attention : sous ce cadre idyllique se cache quelque chose de très inquiétant. Son nom est Psychosphère, et c'est l'une des inventions plus géniales de la SF contemporaine.
          C'est quoi la Psychosphère ? On pourrait la faire coïncider avec l'inconscient collectif de Jung : un univers psychique qui entoure - ou, pour mieux dire, qui vit avec - celui physique, et qui cache en son intérieur les archétypes communs à chaque homme, bons ou mauvais qu'ils soient. Un univers, donc, entièrement créé par la fantaisie humaine, où les idées sont des réalités et vivent leur vie, soit qu'il s'agisse de rêves, soit de cauchemars.
          Il y a peu de gens qui ont accès à ce monde caché. Temple Sacré sans doute, mais encore plus Roland Wagner. Aucun des deux, en effet, ne traduit sa gentillesse naturelle en insouciance; et il est aisé de deviner que leur ironie si paisible n'est pas un prolongement de leurs sentiments généreux, mais plutôt une manière de se tenir en garde contre l'irruption, possible à tout instant, des fantasmes vivant dans la dimension secrète.
          Ce qui hante Temple est bien évident. Avant son monde si joli il y a eu les Années de la Terreur, toujours évoquées mais jamais décrites à fond; et cette période terrible a sans doute peuplé la Psychosphère de créatures redoutables et, hélas, immortelles. Mais quelle est la peur de Roland, qui visite l'imaginaire collectif si souvent que son héros ?
          J'ose supposer que ce soit la simple constatation que le monde qui l'entoure n'est pas modelé sur ce que voudrait son coeur, mais sur les archétypes obscurs dont il a eu la vision. Les mythes ancestraux du fer, du sang, du feu règlent la vie quotidienne bien plus que les douceurs de l'utopie. D'ailleurs Roland est né dans un pays en proie à une guerre sanglante, et il a dû l'abandonner encore enfant pour se trouver plongé dans la vie âpre des banlieues. Avec, pour seule défense, sa capacité de rêver la beauté comme décor et la gentillesse comme règle dans les relations humaines.
          D'où sa mission : donner à travers ses livres une idée précise de ce que pourrait être notre existence si on résistait, à travers la raison, à la force infernale des archétypes plus sauvages.
          Tâche digne d'un philosophe. Heureusement pour nous, qui le lisons avec tant de bonheur, Roland ne l'est pas. Il est un sacré écrivain et un vrai poète. Cela nous suffit.

 


© Valerio Evangelisti. Tous droits réservés.
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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