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Critique :

Le Corps et le sang d'Eymerich

Valerio Evangelisti

Rivages "Fantasy".

      Pour sa troisième aventure, Nicolas Eymerich, inquisiteur d'Aragon, se rend à Castres, en 1358, pour enquêter sur la secte des masc buveurs de sang. Il y rencontrera également quelques cathares, et ceux qui ont lu Les chaînes d'Eymerich (1) ont sans doute déjà commencé à se frotter les mains à l'idée d'apprendre comment il a gagné son surnom de Saint Mauvais. Parallèlement, au XXe siècle, un savant fou propose à diverses factions extrémistes— Ku Klux Klan, OAS, etc. — de propager une maladie mortelle pour les gens de couleur, l'anémie falciforme, qui a pour conséquence une gigantesque hémorragie de tous les vaisseaux sanguins.

      Sur cette base peu ragoûtante, Valerio Evangelisti a construit un roman d'horreur et de suspense plutôt enlevé et dynamique. Tout va très vite dans cette histoire, où le roman policier médiéval se taille la part du lion par rapport à la SF, réduite ici à la portion congrue — sauf dans les dernières pages où elle revient en force. Outre une documentation historique toujours impressionnante, on retiendra notamment la frappante description de Castres, avec ses murs rougis par la teinture de garance, et quelques affreux personnages à côté de qui Eymerich finirait par paraître presque sympathique. L'intérêt principal du livre est d'ailleurs le développement de la personnalité de l'inquisiteur, qui révèle ici des aspects insoupçonnés, et notamment une propension à la pitié dont on ne se serait pas douté au vu des épisodes précédents— un propension, toute relative, rassurez-vous, et qui ne l'empêchera pas de jouer du briquet au détriment des hérétiques.

      À l'évidence, Le Corps et le sang d'Eymerich est un roman de transition qui, derrière son apparente simplicité, procure d'intéressants indices sur le mode de composition de la série dans son ensemble. Les psytrons du premier volume établissaient un lien direct entre les deux lignes de narration, puisque l'expédition du Malpertuis et l'enquête d'Eymerich se déroulaient pour ainsi dire simultanément par la vertu du voyage dans l'imaginaire. Dans le second, la relation entre les intrigues parallèles se limitait à l'exploitation à l'époque moderne des anomalies médiévales. Le troisième reprend ce dernier schéma en le simplifiant: cette fois, l'anomalie est unique. Aux manipulations génétiques tous azimuths de la RACHE succède l'obsession d'un savant fou raciste. Mais les conséquences en seront, historiquement parlant, bien plus considérables. Véritable prologue à Métallica (2), Le Corps et le sang d'Eymerich n'est peut-être pas le meilleur livre pour découvrir le terrible inquisiteur, car il semble de prime abord manquer d'ampleur, mais les perspectives qu'il ouvre en filigrane devraient titiller agréablement les neurones des habitués de la série — en attendant impatiemment le prochain volume, où le chaste dominicain rencontre un célèbre psychanalyste adepte de l'énergie orgasmique.

Roland C. Wagner



     

(1) Bien qu'il soit le précédent titre de la série,  Les Chaînes se déroule après Le Corps et le sang — du moins, en ce qui concerne la partie moyenâgeuse.

(2) Cette novella, parue dans Galaxies n°11, qui présente un dossier Evangelisti, est la première du recueil MétalloUrlante, qui décrit un avenir dystopique.



© Roland C. Wagner. Tous droits réservés.
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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