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Article :

VOIX OFF, de Norman Spinrad

par Roland C. Wagner

Postface de Voice over, édition bilingue (L'astronaute Mort)


Couverture


          Mon premier contact littéraire avec Norman Spinrad est né d'un malentendu. Je devais avoir une dizaine d'années et, cherchant des Fleuve Noir Anticipation dans une librairie qui n'en vendait pas, je suis tombé sur un bouquin de chez Marabout : Les Solariens, avec son étrange extraterrestre aux yeux ronds - dont le regard, aujourd'hui encore, me semble plus tragique que menaçant - et son sous-titre plein de mystère, sur fond de ciel étoilé et de Nébuleuse du Crabe : « Pour sauver l'humanité, des êtres venus du soleil... » Ajoutez à cela un résumé obscur, voire inexact - mais rempli de la promesse d'aventures excitantes - et vous comprendrez mon erreur. J'ai cru que les Solariens en question étaient les habitants du soleil, des créatures vivant à la surface de notre étoile - une idée qui m'a enthousiasmé.

          Raté.

          Je ne vais pas vous résumer cet astucieux space opera, mais le terme « Solariens » y désigne non d'hypothétiques créatures stellaires, capables de vivre à des températures de plusieurs milliers ou millions de degrés, mais les habitants du Système solaire. J'avais été trompé sur la marchandise.

          Trompé, mais ravi. Car les véritables Solariens son bien plus déroutants que ne savent l'être la plupart des bestioles ardentes inventées par la SF. Le space opera n'est ici qu'un - agréable - déguisement pour un sujet bien actuel. Au-delà de la guerre qui oppose les hommes aux redoutables Duglaari, au-delà des pouvoirs psi et du grand final apocalyptique, Norman Spinrad propose les grandes lignes d'un nouveau modèle de société, dont la base n'est plus la famille, mais le Groupe. Millésimé 1966, Les Solariens reflète parfaitement l'esprit de son temps, imprégné de pacifisme et de liberté des moeurs.

          C'est aussi la victoire de l'intelligence sur la force brutale, ce qui fait toujours plaisir.

          Trente ans plus tard, Voix off consacre le triomphe de la censure. Il est symbolique que Maman Telecom - dont le prénom est France, bien entendu - oblitère ces mots de quatre lettres qui ont valu à la revue anglaise New Worlds d'être évoquée à la chambre des Communes (???) lors de la publication de Jack Barron et l'éternité. Les années Reagan sont passées par là : aux méta-hippies venus « pour sauver l'humanité » ont succédé les extraterrestres bien-pensants désireux de lui faire fermer sa (bip).

 
 
Roland C. Wagner           
 
 


© Roland C. Wagner. Tous droits réservés.
Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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